Les sans-abris en hausse au Royaume-Uni sur fond de crise des loyers
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Les sans-abris en hausse au Royaume-Uni sur fond de crise des loyers

    NHK London Bureau
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    Louer à Londres n'a jamais été aussi cher. La flambée des prix et la pénurie d’appartements signifient que des centaines de milliers de personnes se retrouvent sans-abris. Selon la société immobilière britannique Rightmove, depuis 2020, les loyers ont augmenté de 12,1 pour cent pour atteindre une moyenne d'environ 2 600 £ (3200 dollars) par mois. Les personnes aux revenus faibles et moyens sont en difficulté et pour les chômeurs, la situation est intenable.

    Partager le coût

    Dans le centre de Londres, Joseph Spannari, 31 ans, professionnel de la santé, raconte à la NHK ses difficultés pour trouver un logement abordable où vivre seul.

    Joseph Spannari ne parvenait pas à trouver un logement abordable à louer.

    En recherchant un logement individuel, le moins cher que M. Spannari a pu trouver avait un loyer d'environ 1500 £ (1900 dollars). « C'était probablement la taille de ma chambre », soupire-t-il. Pour l’instant, il estime qu’il n’a pas d’autre choix que de rester dans un logement partagé.

    Actuellement, M. Spannari loue une chambre dans une maison pour 4 personnes – qui était à l'origine une propriété avec deux chambres rémais qui a été rénovée pour en ajouter deux supplémentaires. Il paye 750 £ (950 dollars) par mois. Le loyer global de la maison est de 3000 £ (3800 dollars) par mois et le propriétaire a indiqué qu'une augmentation était prévue. Pour s'y préparer, M. Spannari a effectué des heures supplémentaires à l'hôpital où il travaille.

    Une chambre vacante dans la maison a récemment attiré plus de 220 candidats. M. Spannari explique que de nombreuses personnes souhaitent vivre dans le centre de Londres pour poursuivre une carrière et que la colocation est un choix de logement populaire.

    Son expérience illustre certaines des causes profondes de la crise actuelle du logement.

    Demande mais pas d'offres

    Lorsque la pandémie a frappé, Londres a connu un exode massif, les gens étant contraints de se confiner en dehors de la capitale. Après la pandémie, avec le retour des travailleurs, des diplômés et des étudiants étrangers, la demande de locations a explosé.

    Mais avec l’augmentation du coût de la vie, l’inflation et la hausse des taux d’intérêt, de nombreux propriétaires abandonnent leurs biens locatifs pour faire face aux coûts. L'impact sur l'offre signifie qu'en octobre 2023, le nombre de propriétés à louer à Londres a diminué de 35 % par rapport à la période pré-pandémique, et que le nombre de demandes par propriété a triplé, selon les chiffres de Rightmove.

    À mesure que les loyers montent en flèche, le nombre de sans-abri augmente.

    Changer le visage des sans-abri à Londres

    « La plus forte pression à l'heure actuelle est le coût du logement », explique Elizabeth McCulloch, responsable des politiques et de la recherche à l'association caritative britannique pour les sans-abri St. Mungo's. Elle note que les gens recherchent de l'aide simplement parce qu'ils n'ont pas les moyens de payer leur logement.

    La démographie des sans-abris évolue et inclut un nombre important de personnes qui occupent toujours un emploi.

    Se retrouver sans-abri ne signifie pas toujours dormir dehors. Pour certains, notamment les familles, cela signifie aussi dormir dans un logement temporaire fourni par la municipalité. En 2023, les données du gouvernement britannique témoignaient d'un pic de 104 510 ménages vivant dans ces logements ; plus de la moitié d'entre eux avaient des enfants.

    À mesure que les loyers augmentent, beaucoup ne parviennent pas à obtenir une sécurité financière suffisante pour réintégrer le marché de la location privée. L’effet d’entraînement provoque un goulot d’étranglement dans les logements temporaires fournis par la municipalité, ce qui signifie que de plus en plus de personnes quittent le secteur locatif privé et se retrouvent au chômage et dans la rue.

    « Aucune chance si vous êtes au chômage »

    Kiran O'Brian, la cinquantaine, est actuellement barista chez Change Please, une entreprise sociale qui soutient les sans-abri en vendant du café au lieu de demander des dons. Il a découvert à ses dépens les défis du marché.

    Kiran O'Brian dit qu'une fois qu'on est sans-abri, il devient encore plus difficile de trouver un logement.

    « Si vous êtes au chômage, les gens ne vous laisseront même pas visiter le logement », dit-il. « Dès que je leur dis que je ne travaille pas, que je suis sans-abri, c'est suffisant pour ne pas pouvoir entrer. »

    M. O'Brian raconte sa rentrée dans le secteur de la location privée. Il dit que seules 5 propriétaires sur 100 accepteraient une visite par quelqu'un dans sa situation. Sans l'aide de Change Please, qui verse à M. O'Brian le salaire minimum vital à Londres chaque année (5320 £ (6760 dollars) de plus que le salaire minimum national), il pense qu'il serait toujours sans-abri.

    Combler les lacunes

    De nombreuses personnes comme M. O'Brian comptent sur des organismes de bienfaisance et d'autres groupes pour obtenir de l'aide en matière d'emploi et de logement. Selon Cemal Ezel, PDG de Change Please, 44 pour cent des sans-abri veulent et peuvent travailler.

    Cemal Ezel est le PDG de Change Please, une entreprise sociale qui embauche des sans-abri.

    « Ainsi, à chaque personne que nous soutenons, nous offrons un programme de formation, un emploi rémunéré pour vivre et un compte bancaire », dit-il. Le programme connaît un tel succès que 76 pour cent des sans-abri avec lesquels M. Ezel travaille trouvent un emploi permanent.

    Le goulot d'étranglement du logement temporaire est également atténué grâce à l'aide du secteur privé. Une entreprise, The Hill Group, propose une solution novatrice : travailler avec les conseils municipaux du Royaume-Uni pour trouver des terrains sous-utilisés et installer des logements uniques appelés SoloHaus.

    La SoloHaus est une unité de logement pour une personne offerte aux locataires qui ont été sans-abri.

    La SoloHaus est une maison modulaire autonome pour une seule personne spécialement conçue pour les personnes sans-abri. Son coût énergétique hebdomadaire est de seulement 5 £ (6 dollars). Tous les locataires emménagent avec une feuille de route créée avec l'aide d'associations caritatives locales et un objectif final de réintégrer le marché locatif privé. Les faibles coûts de fonctionnement sont conçus pour alléger le fardeau financier et aider les locataires à économiser.

    Jusqu'à présent, The Hill Group a offert plus de 200 SoloHaus aux municipalités britanniques pour aider les gens à avoir un toit.

    La voie à suivre

    En 2024, le gouvernement britannique augmentera les aides au logement pour les locataires à faible revenu afin de leur permettre de rester dans des locations privées. La tentative d’alléger le fardeau des coûts de location s’accompagne du travail d’associations caritatives et de groupes de soutien qui offrent des opportunités de logement temporaire et de réemploi aux personnes sans-abri à cause de la crise des loyers.

    L’agence de soutien Shelter estime que 309 000 personnes, rien qu’en Angleterre, auront été sans-abri pendant la période de Noël 2023.