Hommage au concepteur de la console Nintendo, Uemura Masayuki
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Hommage au concepteur de la console Nintendo, Uemura Masayuki

    NHK Sciences and Culture Division
    Correspondent
    Uemura Masayuki a eu un impact considérable sur la vie d’enfants du monde entier. Dans le milieu des années 1980, cet ingénieur japonais a conçu une console de jeu pour Nintendo, connue au Japon sous le nom de Famicom, et ailleurs sous celui de NES. La console a eu un énorme succès et s’est vendue à 60 millions d’unités. Elle a introduit les personnages de Super Mario, Zelda et Dragon Quest dans les foyers de toute la planète. M. Uemura est décédé en décembre dernier à l’âge de 78 ans. Kagawa Nao, correspondant pour la NHK, se souvient d’un entretien qu’il a eu avec cette véritable icône du monde des jeux vidéos, où il racontait son travail et parlait de ce que signifie « jouer » .

    C’était au printemps 2019. Je rencontrais Uemura Masayuki pour parler de la signification du « jeu ». Certaines de ses réponses m’ont surpris, et d’autres ont pris tout leur sens un an plus tard, quand la pandémie de Covid-19 a transformé nos interactions sociales.

    Ready, player one

    M. Uemura m’a expliqué que Famicom devait son succès à la confluence de plusieurs facteurs, dont le progrès des capacités de traitement des ordinateurs, la montée des médias vidéoludiques, et l’évolution des pratiques éducatives.

    « Je pense que les jeux Famicom permettaient aux enfants de jouer à la maison, alors que l’urbanisation rendait plus difficile de jouer dehors », a-t-il suggéré.

    Si les enfants adoptaient la nouvelle console de jeu avec un plaisir évident, les parents et les enseignants s’inquiétaient de les voir manquer d’occasions de sociabiliser. M. Uemura, lui, ne voyait pas de problème.

    « Quand les gens critiquent les jeux vidéos, ils les décrivent souvent comme une activité solitaire où le joueur est assis tout seul devant son écran. Mais en réalité, c’est plutôt l’opposé. Les gens regardent le même écran, jouent à tour de rôle, partagent des informations. Je pense que les jeux sont en fait un liant social qui connecte les gens entre eux », affirmait-il.

    Un succès mondial

    Pour le créateur de la Nintendo, c’est le don qu’ont les Japonais de créer des personnages attachants qui a fait de la console un succès mondial. Il attribue ce don aux croyances animistes qui ont façonné la culture japonaise pendant des siècles.

    « L’idée est que les objets ont leur propre vie », souligne-t-il. « Elle se manifeste dans des jeux par des scénarios simples et tranquilles qui contrastent avec les jeux violents qu’on voit à l’étranger. Pac-Man, c’est un peu comme le jeu du loup, et dans Pokémon, il s’agit juste d’attraper des insectes. N’importe qui comprend tout de suite comment jouer. »

    M. Uemura a quitté Nintendo en 2004, mais il est resté impliqué dans le secteur par son rôle de directeur au centre de recherche sur les jeux vidéos de l’université Ritsumeikan, qu’il a assumé pendant 10 ans.

    Je lui ai demandé si le jeu avait encore des progrès à faire, après la conquête d’Internet et de la réalité virtuelle. Sa réponse était surprenante.

    « On n’a toujours pas réussi à créer un jeu vidéo qui surpasse le menko », m’a-t-il dit, faisant référence au jeu traditionnel japonais où les joueurs jettent leurs cartes sur le sol pour tenter de retourner celles de leurs adversaires (un peu l’équivalent des pogs).

    « Nous avons atteint le niveau le plus haut possible en termes de graphismes, mais nous ne pouvons pas encore reproduire la sensation physique d’un obstacle », a-t-il ajouté.

    En fait, M. Uemura trouvait que les graphismes étaient peut-être même devenus trop sophistiqués, à tel point qu’ils ne laissaient plus assez de place à l’imagination. Il pensait que c’était la raison pour laquelle les anciens graphismes de sa célèbre première console revenaient à la mode.

    Voici ce qu’il m’a dit : « Les gens préfèrent quand ils peuvent faire marcher leur imagination. Ce que vous voyez alors n’est pas réaliste, mais c’est réel dans votre tête. Plus il y a de place pour l’imagination, plus c’est amusant. »

    Quel avenir pour les jeux vidéos ?

    Nous avons aussi parlé de ce qui rend les jeux amusants, et de la possibilité de créer des jeux dont on ne se lasse jamais.

    « C’est impossible », m’a-t-il répondu en souriant. « La seule chose dont les gens ne se lassent jamais, ce sont les gens ! »

    Notre rencontre a eu lieu avant la pandémie de Covid-19. Mais ses propos me sont revenus à l’esprit quand elle a commencé, lorsqu’il est devenu plus difficile de voir des gens, et quand le dernier jeu de Nintendo, Animal Crossing, est devenu un tel succès.

    Pendant les deux années passées, les jeux ont continué à évoluer, et en plus de ça, les services offerts aux utilisateurs individuels se sont multipliés et ont gagné en qualité.

    Mais pour la première fois, j’ai vraiment compris ce dont M. Uemura voulait parler quand il disait qu’en fin de compte, on ne se lasse jamais des gens.