Un père endeuillé et un raisonnement erroné derrière la tragédie de 2011 Un père endeuillé et un raisonnement erroné derrière la tragédie de 2011
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Un père endeuillé et un raisonnement erroné derrière la tragédie de 2011

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    Un homme qui a perdu sa fille de 12 ans lors du tsunami de 2011 qui a dévasté le nord-est du Japon affirme qu'il est vital que les gens comprennent les pièges psychologiques qui peuvent s'avérer mortels pendant une crise.
    • L'école primaire Okawa dans le département de Miyagi a été engloutie par un tsunami après le Grand Tremblement de terre de l'est du Japon en 2011. Soixante-quatorze élèves et 10 enseignants sont morts ou sont toujours portés disparus.
    • Les enseignants ont gardé les enfants dans la cour d'école jusqu'à ce qu'il soit trop tard.
    • Hiratsuka Shinichiro a perdu sa fille. Afin de comprendre pourquoi l'école n'a pas rapidement tiré les élèves hors de danger, il a passé des années à étudier la psychologie de crise.

    Une question simple

    Le présentateur de NEWS ROOM TOKYO Yoshioka Takuma a visité le site de l'école. Dans les bois sur le côté gauche de l'image se trouve un sentier menant au milieu d'une colline juste en face de la cour d'école.

    Au cours de ces 11 dernières années, la vue d'une colline juste en face de la cour d'école primaire Okawa a incité beaucoup de gens à se demander pourquoi le personnel n'avait pas évacué les élèves vers un terrain plus élevé alors que le tsunami approchait.

    Les ruines du bâtiment de l'école ont été préservées à titre de rappel.

    L'école, à 4 kilomètres de la côte, a été submergée jusqu'à son toit. Aujourd’hui, les piliers en béton mutilés sont un témoignage puissant de la force pure de l'eau.

    Trois minutes après le tremblement de terre, les autorités ont averti qu'un tsunami déferlait vers la côte. Mais l'école a gardé les élèves dans la cour d'école pendant 50 minutes. Au moment où elle a commencé à les envoyer vers un endroit légèrement plus élevé à côté d'une rivière, il était trop tard - un mur d'eau a déferlé.

    Rêve d'être comme papa

    Hiratsuka Shinichiro nous a invités sur la colline. Il dit que cet endroit lui rappelle toujours des souvenirs douloureux, même après 11 ans.

    « Si seulement ils avaient grimpé ici », dit Hiratsuka Shinichiro, debout sur un plateau renforcé au milieu de la colline. Il nous montre un panneau à quelques mètres au-dessous de lui qui affiche la hauteur atteinte par le tsunami.

    La fille de M. Hiratsuka, Koharu, aurait eu 23 ans si elle avait survécu. Son père pense qu'elle serait allée à l'université et aurait enseigné, comme lui.

    M. Hiratsuka est un enseignant qui est maintenant directeur d'un collège. Il a perdu sa fille de 12 ans Koharu dans la tragédie de l'école primaire Okawa. Il dit que c'était une enfant douce qui adorait ses petits frère et sa sœur. Elle voulait devenir enseignante un jour, comme son père.

    Une décision de justice qui n’apporte aucune conclusion

    Les familles de 23 des enfants ont intenté une action en justice contre la ville d'Ishinomaki et la préfecture de Miyagi. M. Hiratsuka ne faisait pas partie des plaignants.

    Désespérant de comprendre pourquoi les enseignants n'avaient pas réussi à évacuer les enfants de la cour d'école le plus rapidement possible, un groupe de familles a poursuivi la ville et la préfecture en 2014.

    En 2019, la Cour suprême du Japon a confirmé une décision de l'année précédente qui constatait que l'école n'avait pas désigné de site où le personnel et les étudiants auraient pu évacuer. Le tribunal a également déclaré que les écoles devaient avoir un niveau plus élevé de préparation aux catastrophes que les membres du public.

    M. Hiratsuka a passé des années à en apprendre davantage sur la façon dont les gens se comportent pendant une crise.

    Mais M. Hiratsuka n'était pas satisfait. « Je me sentais toujours frustré, parce que je n'avais jamais entendu une seule raison convaincante pour ce qui s’était passé, qui aurait pu m'aider à accepter ce qui s’était passé. »

    Il s'est plongé dans l'étude de la préparation aux catastrophes. Il a passé des années à lire sur le sujet et à écouter des experts dans le domaine. Finalement, il a découvert un domaine de recherche appelé psychologie de crise, et cela l'a aidé à comprendre la tragédie qui avait coûté la vie à sa fille.

    « J'ai finalement compris », dit-il. « C'était une catastrophe si inattendue qu’il est possible qu’elle ait affecté l'état mental du personnel de l'école. »

    Des vœux pieux

    Les enseignants de toute la préfecture suivent une formation en gestion des catastrophes depuis 2021. Certains parents des victimes, dont M Hiratsuka, se sont joints à eux pour partager leur expérience et leurs connaissances.

    En réponse à la décision du tribunal, la préfecture de Miyagi a commencé à utiliser l'ancien terrain de l'école pour fournir une formation en gestion des catastrophes aux enseignants, et a engagé M. Hiratsuka comme chargé de cours.

    L'une des leçons qu'il enseigne concerne le « biais de normalité », un état d'esprit dans lequel les gens refusent de croire aux menaces où les minimisent pour y faire face.

    L'école primaire d'Okawa avant la catastrophe.

    La zone à l'intérieur et autour de l'école n'avait pas été désignée comme zone d'alerte aux tsunamis. Certains résidents du quartier se sont même rendus dans un centre communautaire juste à côté de l'école après le tremblement de terre. Lorsqu'un parent a exhorté un enseignant à évacuer les élèves en haut de la colline, il a répondu en affirmant que là où ils se trouvaient était un endroit sûr.

    « Le sol a remué violemment », dit M. Hiratsuka. « Les gens savaient qu'il s'agissait d'un tremblement de terre massif. Mais personne ne croyait qu'un tsunami viendrait aussi loin à l'intérieur des terres. Cela ne s'était jamais produit auparavant. »

    Tout le monde suit quelqu'un d'autre

    Une salle de classe dans l'école. Le mur et les fenêtres ont été brisés par l'eau. Les parents et les résidents locaux ont enlevé les débris et nettoyé tout le bâtiment.

    Le « biais de synchronisation de la majorité » est un terme désignant un autre type d'état d'esprit qui peut mettre les gens en danger. C'est la tendance à suivre ce que la majorité d'un groupe fait, afin acquérir un sentiment de sécurité, même en l'absence de preuve que c'est la meilleure ligne de conduite.

    M. Hiratsuka note que de nombreuses personnes, y compris des résidents qui s'étaient dirigés vers la zone de l'école pour des raisons de sécurité, sont restées calmes. Il pense que cela a peut-être encouragé les enseignants à penser que tout irait bien.

    Il a également étudié un trouble connu sous le nom de « détention psychologique ». C'est la tendance à s'en tenir à une décision même après que des doutes surgissent quant à savoir si c'est la bonne.

    Une fois que les enseignants ont décidé de s'abriter dans la cour d'école, ils se sont concentrés sur le calme des enfants. « Personne n'a vu la situation dans son ensemble », dit M. Hiratsuka.

    Préparez-vous au pire

    Le travail de M. Hiratsuka pour rendre les écoles japonaises plus sûres ne fait que commencer.

    Dans le cadre du programme de formation des enseignants, M. Hiratsuka souligne l'importance d'être préparé au pire. Même si le pire ne se produit pas, il dit qu'il vaut mieux être critiqué pour avoir fait trop que pas assez, et pour s'être mis ou avoir mis les autres en danger en conséquence.

    Il concède qu'il est difficile d'être parfaitement préparé à une catastrophe naturelle qui se produira à un moment et d'une manière qui ne peuvent pas être prédits. Quoi qu'il en soit, dit-il, « les écoles doivent se décider à accorder la priorité absolue à la vie des élèves ».

    Plus de regrets

    En partageant ces connaissances avec des enseignants et des enfants à travers le Japon, M. Hiratsuka honore la mémoire de Koharu. « Je ne veux pas avoir de regrets. Je veux éviter une autre tragédie comme celle de l’école Okawa. Je ferai tout ce qui est en mon pouvoir pour sauver autant de vies que possible. Si je peux faire sourire quelqu'un, alors je sourirai aussi, et cela fera aussi sourire ma fille », dit-il.

    Partager des leçons est une chose. Mais amener les gens à prendre les mots au sérieux en est une autre. M. Hiratsuka espère que sa passion et son lien personnel avec la question suffiront à faire une différence.